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Services de santé réduits sur la Côte-Nord : « une crise précipitée par le gouvernement »

Des infirmiers poussent une civière.

600 à 700 employés du CISSS de la Côte-Nord relèvent toujours des agences privées. (Photo d'archives)

Photo : iStock

Quelques heures suivant l'annonce des interruptions de service en santé sur la Côte-Nord, plus d'une vingtaine de médecins omnipraticiens, médecins spécialistes et pharmaciens des quatre coins de la région se mobilisent.

Dès les premières fermetures de lits et de blocs opératoires le 19 mai, la Côte-Nord devient essentiellement un immense territoire québécois sans réseau de santé fonctionnel capable de prendre en charge les besoins de sa population, selon les 22 médecins et chefs de départements du CISSS de la Côte-Nord signataires d'une lettre acheminée aux médias lundi soir.

L'enjeu de sécurité et les risques de conséquences délétères sont réels pour les patients.

Une citation de Extrait de la lettre

Les signataires demandent au gouvernement de trouver rapidement une voie de sortie de crise, ajoutant que l'effritement des effectifs provoque depuis des années un exode des professionnels de la santé du réseau public vers les agences privées.

Un bras de fer entre Québec et les agences

Selon le CISSS de la Côte-Nord lui-même, les mesures transitoires menant à la fin du recours aux agences d'ici octobre 2026 expliquent les interruptions de services à venir.

La PDG du CISSS de la Côte-Nord, Manon Asselin.

La PDG du CISSS de la Côte-Nord, Manon Asselin, soutient n'avoir jamais vu de telles réductions de services depuis son arrivée au sein de l'organisation en 2021.

Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau

Parmi ces mesures transitoires, les nouveaux tarifs maximaux pour le personnel d'agences entrent en vigueur le 19 mai. Par exemple, le taux horaire pour une infirmière clinicienne sera plafonné à 74,36 $ l'heure, alors qu'il pouvait s'élever au-delà de 150 $ l'heure au cours des dernières années.

La transition vers de nouveaux contrats avec les agences dans les jours à venir, dans des conditions moins attrayantes qu'auparavant, aurait donc mené à une diminution importante de la main-d'œuvre indépendante en pleine période estivale.

Nous sommes aujourd'hui témoins d'une crise sans précédent dans notre système de santé régional. Cette fois-ci, il s'agit bel et bien d'une crise précipitée par notre gouvernement, soutiennent les signataires de la lettre.

Si le gouvernement veut éliminer le recours à la main-d’œuvre indépendante dans le système de santé en région, il doit mettre en place des incitatifs pour qu'elle s'y installe et qu'elle y demeure. En attendant nous avons besoin de la main-d’œuvre indépendante pour faire fonctionner nos hôpitaux. C'est une réalité incontournable, ajoutent-ils.

Ce n'est pas le moment de reculer, dit le ministre

Pour sa part, le ministre de la Santé, Christian Dubé, précise que des agences ont pourtant répondu à l'appel d'offres aux nouveaux tarifs maximaux, sans toutefois fournir le personnel demandé. Sur X, il indique que de nouvelles ententes ont été contractées avec d'autres agences et que du personnel d'autres régions pourrait venir prêter main-forte au réseau nord-côtier.

Youssef Ezhar, président du comité exécutif du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, ainsi que chef du Département d'anesthésiologie au CISSS de la Côte-Nord, aurait quant à lui souhaité que ce bras de fer entre Québec et les agences n'affecte pas la qualité des soins offerts aux patients de la région.

On se retrouve avec un fait accompli d'une certaine manière qu'il faut aller chercher des agences à la dernière minute. Vous comprenez que c'est impossible. Les agences, c'est 50 % de notre main-d'œuvre dans les soins critiques et dans les soins intensifs, donc c'est sûr que ça va amener des fermetures de lit, de salles d'urgence, explique-t-il.

En médecine, on apprend à ne pas mettre la faute sur personne. On apprend à trouver des solutions. Je pense qu’on est juste tombés dans un trou de la loi. Les régions éloignées, on tombe souvent dans ces trous-là, regrette M. Ezhar.

Les bris de service sont monnaie courante sur la Côte-Nord, particulièrement l'été, alors que la main-d'œuvre se fait plus rare. Mais ce qui attend cette fois les usagers est d’un tout autre ordre.

Certains médecins ont même déjà averti leurs patients que des opérations seront annulées.

La semaine prochaine, je commence déjà à couper des salles d’opération qui contiennent de la pédiatrie, [ou encore] des patients qui n'ont pas besoin de soins actifs. Ce sont souvent des patients avec de la démence. On leur dit qu’ils vont être transférés en ville parce que leurs lits sont fermés, raconte le Dr Ezahr.

On est déjà en train de travailler avec l’administration pour organiser des transferts vers l’extérieur de la Côte-Nord. Donc, déjà, pour des patients, ça veut dire être hospitalisés à l’extérieur de la région au lieu d’être hospitalisés à Baie-Comeau, lance le Dr Louis-Charles Moreau, médecin de famille à l'Hôpital Le Royer de Baie-Comeau.

Des élus régionaux se disent préoccupés

Les élus de la Côte-Nord demandent plus de flexibilité au gouvernement afin de tenir compte des particularités des régions, qualifiant la situation actuelle de hautement préoccupante.

La présidente de l'Assemblée des MRC de la Côte-Nord, Meggie Richard, souligne que le système de santé de la région a besoin de temps pour assurer la continuité de ses services tout en diminuant le recours aux agences.

Meggie Richard sourit, assise à son bureau.

Meggie Richard se montre elle aussi préoccupée par ce problème. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Charles-Étienne Drouin

On demande que le gouvernement réalise que la Côte-Nord a ses propres particularités. Il doit faire preuve de flexibilité. Avec les délais prescrits aux CISSS, c’était impossible de pourvoir ces postes dans un si court laps de temps, laisse-t-elle tomber.

Les maires de Baie-Comeau et de Sept-Îles déplorent aussi la situation, particulièrement en raison de la fermeture de plusieurs dizaines de lits d'hospitalisation aux hôpitaux des deux municipalités.

Juste le nombre de lits coupés, puis que les gens vont devoir être transférés à l'extérieur, ce n'est pas une bonne nouvelle. Les familles veulent être là pour leurs proches, aller les voir à l'hôpital. On va travailler très fort, on est en mode solution. Ça n'a pas de bon sens que les services soient en baisse comme ça chez nous, lance Michel Desbiens, maire de Baie-Comeau.

C'est quand même déplorable pour la ville de Sept-Îles, mais on ne reste pas les bras croisés. Dès cette semaine, on va travailler avec l'ensemble des élus de la Côte-Nord pour voir les solutions qu'on peut apporter pour régler ce problème, indique pour sa part le maire de Sept-Îles, Denis Miousse.

Le syndicat demande plus d'efforts de recrutement

Le président du Conseil central CSN de la Côte-Nord, Guillaume Tremblay, souhaite aussi que Québec et le CISSS de la Côte-Nord mettent en place une offensive de recrutement pour ramener des employés dans les services de santé de la région.

L'idée, c'est de rapatrier le plus possible les gens qui ont quitté les emplois du CISSS Côte-Nord pour aller vers les agences, estime-t-il.

Le président de la CSN Côte-Nord, Guillaume Tremblay, devant la caméra et un micro de Radio-Canada.

Le président du Conseil central CSN Côte-Nord, Guillaume Tremblay (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Benoit Jobin

Selon le représentant syndical, le manque de personnel ajoute déjà une surcharge de travail sur les épaules des employés, qui risque de s’alourdir avec le départ de la main-d’œuvre indépendante.

Les élus sont toutefois conscients que la venue de centaines de personnes, nécessaires au fonctionnement des établissements de santé, est compromise par le manque de logements.

C'est pourquoi le maire de Baie-Comeau, Michel Desbiens, en fait son cheval de bataille. On va se concentrer là-dessus pour attirer du monde le plus rapidement possible, promet-il.

Avec la collaboration de Paul Fontaine et d'Alban Normandin

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