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AnalyseKevin Magnussen joue fort bien le mauvais rôle du coéquipier modèle

Deux monoplaces négocient l'une derrière l'autre un virage à droite devant des gradins bien remplis.

Kevin Magnussen devant Lewis Hamilton à Miami, lors de la course sprint

Photo : Getty Images / Rudy Carezzevoli

Le Danois Kevin Magnussen a été lourdement pénalisé à Miami pour avoir ralenti pendant plusieurs tours Lewis Hamilton qui cherchait à le dépasser. Il a simplement, sans s'opposer, obéi à une consigne de son équipe.

Les stratégies d’équipe existent depuis toujours. La FIA a tenté de les interdire dans les années 2000, mais incapable de tout suivre en piste, d’analyser toutes les conversations radio (en messages codés), elle a préféré laisser tomber et a éliminé en 2011 l’article 39.1 du règlement sportif qui les interdisait.

Cette décision a été prise après le scandale du Grand Prix d’Allemagne de 2010 impliquant Ferrari. Felipe Massa avait reçu un message codé (populaire à l'époque) de son ingénieur : Ton coéquipier est plus rapide que toi.

Au lieu d’accélérer pour ajuster sa vitesse, Massa a alors laissé passer son coéquipier Fernando Alonso qui a gagné la course. Ferrari, jugée coupable d’avoir enfreint l’article 39.1, a écopé d’une amende de 110 000 $ CA.

Un pilote lève le bras droit dans son habitacle pour célébrer sa victoire, on voit son coéquipier en arrière-plan.

Fernando Alonso remporte le Grand Prix d'Allemagne de 2010 grâce à la générosité de Felipe Massa.

Photo : Getty Images / Andrew Hone

L’année suivante, l’article 39.1 a disparu. La FIA préférant s’en remettre à l’article 151C du Code sportif international, plus général, qui interdit tout comportement préjudiciable qui pourrait nuire à l’intégrité du sport et à ses intérêts.

Tant qu’il y aura deux voitures par équipe, il y aura possibilité de privilégier un pilote, en utilisant l’autre pour le protéger, en le sacrifiant.

Ferrari a joué ce jeu à profusion du temps de Michael Schumacher quand Jean Todt était le patron de l’équipe et le Brésilien Rubens Barrichello le porteur d’eau de l’Allemand.

Pourquoi sanctionner une équipe pour une décision qu’elle prend et que le pilote accepte (de gré ou de force, mais ça, c’est un autre débat…)? C'est une décision prise en interne que l'équipe doit ensuite assumer.

Le problème, c'est que parfois la consigne d'équipe vient parasiter le résultat de l'épreuve. Rappelez-vous du scandale du Grand Prix de Singapour de 2008.

Une monoplace, de dos, est immobilisée contre le mur de protection d'un circuit après l'avoir frappé.

Nelson Piquet fils a délibérément endommagé sa voiture à Singapour en 2008 pour faire sortir la voiture de sécurité.

Photo : Formula One group

L’état-major de Renault avait demandé à Nelson Piquet fils d’obstruer la piste en endommageant sa voiture contre le mur, au 13e tour de la course, afin de faire sortir la voiture de sécurité et d'aider son coéquipier et pilote no 1 de l’équipe, Fernando Alonso.

L’Espagnol avait finalement gagné la course.

Piquet fils avait révélé le stratagème quelques jours plus tard. La FIA avait fait enquête et avait imposé de lourdes sanctions à Renault. Le directeur de l’équipe à l’époque, Flavio Briatore, avait été banni à vie de tout emploi en F1.

Revenons à 2024. Samedi à Miami, lors de l’épreuve sprint, le Danois Kevin Magnussen a reçu l’ordre de protéger la course de son coéquipier Nico Hülkenberg qui était devant lui.

Le Danois n’est déjà pas un pilote facile à surprendre, mais avec Lewis Hamilton dans ses échappements, il a utilisé toute la largeur de la piste, et même plus, pour garder le Britannique derrière lui et permettre à son coéquipier de creuser l’écart.

Vue de l'aileron arrière d'une monoplace, une autre la suit de près. On voit des gradins pleins en arrière-plan.

Kevin Magnussen résiste à Lewis Hamilton à Miami.

Photo : TSN / Formula One

Il a joué parfaitement son rôle, soit de volontairement ralentir Hamilton. Hülkenberg a pu finir en 7e place et marquer deux points.

Magnussen avait déjà reçu le même ordre lors du Grand Prix d’Arabie saoudite à Djeddah.

La consigne était de ralentir le Japonais Yuki Tsunoda de l'équipe Racing Bulls (RB). Nico Hülkenberg avait pu finir 10e et marquer un point. Et on le sait, les points valent des millions de dollars en F1.

Un pilote négocie un virage à droite en fin de journée.

Nico Hülkenberg en piste en Arabie saoudite

Photo : Getty Images / GIUSEPPE CACACE

Après la course, le directeur de l’équipe Haas, le Japonais Ayao Komatsu, avait défendu sa décision.

C’était évident que c’était la chose à faire, tout le monde le fait. Et si le pilote ne le fait pas, il ne fait pas son travail. Ceux qui disent c’est un geste antisportif disent n’importe quoi, a-t-il lancé.

Même scénario en Floride. Hülkenberg roulait dans le top 8 et était dans les points. Magnussen roulait en 9e place, donc hors des points. Il a alors volontairement ralenti Hamilton entre les 9e et 14e tours, le bousculant et le poussant hors piste, pour ne pas que le Britannique le dépasse et rattrape son coéquipier.

Un jeu risqué, car sur le circuit très étroit de Miami, il aurait pu envoyer le pilote de Mercedes-Benz dans le décor.

Une monoplace roule hors piste pour rester devant.

Kevin Magnussen résiste à Lewis Hamilton à Miami.

Photo : TSN / Formula One

Magnussen a écopé de 3 pénalités de 10 secondes (à retirer de son temps à l'arrivée) pour avoir obtenu un avantage en ne restant pas sur la partie asphaltée du circuit et d’une pénalité de 5 secondes pour avoir quitté la piste (c’est-à-dire pour avoir mis les quatre roues du côté extérieur de la ligne blanche).

Après la course, le Danois a été franc.

Je méritais ces pénalités. J’ai fait mon travail de coéquipier, a-t-il dit sans hésiter. Je n’aime pas ces tactiques stupides, mais j’ai fait ça pour l’équipe.

Et Hamilton n’a pas protesté.

Kevin a été honnête, on sait pourquoi il a fait ça, a dit calmement le Britannique. On s’est battu avec acharnement, et ça me va.

D’ailleurs, le vainqueur du grand prix, Lando Norris, a défendu Magnussen.

C’est cruel. Jusqu’où un pilote doit-il aller quand il est le no 2? Je trouve qu’il a bien joué son rôle, a estimé le Britannique. Il n’a rien fait qui méritait un drapeau noir (exclusion de la course). Tout ce qu’il a fait, c’est rouler hors piste et ne pas céder sa position. On a discuté de ça souvent dans nos réunions avec la direction de course.

La FIA qui lui a imposé les pénalités semble avoir apprécié l’honnêteté du pilote danois, et après une longue discussion avec lui, a choisi de ne pas le sanctionner pour comportement antisportif (article 12.2.1 du Code sportif international).

La direction de course n’a pas vu d’intention claire de se comporter de façon antisportive, a expliqué la FIA.

Sans compter que la F1 y a quand même trouvé son compte, car le duel a été passionnant à suivre durant 5 des 19 tours qu’a duré la course.

Du pain béni pour les cotes d’écoute.

Revoir la sévérité des sanctions

La FIA pense maintenant revoir son système de pénalités pour éviter les récidives en piste. Magnussen a reçu trois pénalités identiques (10 + 10 + 10) à Miami. La FIA réfléchit à rendre le barème exponentiel.

Les commentateurs britanniques ont très rapidement émis une hypothèse, et c’est sans doute la bonne. Nico Hülkenberg quittera l’équipe à la fin de la saison pour se joindre au projet Audi (avec Sauber), Magnussen tient donc à garder son volant en 2025 pour devenir le pilote no 1 de l’équipe.

Ils parlent assis autour d'une table.

Ayao Komatsu discute avec Kevin Magnussen.

Photo : Getty Images / Clive Rose

Et pour cela, il doit obéir aux ordres du nouveau patron de l’équipe Haas, le Japonais Ayao Komatsu, qui lui veut montrer au propriétaire Gene Haas qu’il protégera les intérêts de l’équipe à tout prix.

Il sait que celui qu’il a remplacé en janvier, l’ancien directeur de l’équipe Günther Steiner, intente une poursuite contre Haas en Caroline du Nord où est installée l’équipe. L’Autrichien ne conteste pas son congédiement, mais veut que Gene Haas respecte les clauses salariales du contrat.

C’est de la mauvaise publicité pour l’équipe qui vit peut-être sur du temps emprunté.

Deux hommes côte à côte, d'âges différents, sourient pour la photo.

Michael et Mario Andretti devront peut-être racheter une équipe déjà existante pour accéder à la F1.

Photo : Getty Images / Will Schneekloth

En effet, le projet de Michael et de Mario Andretti d’avoir une équipe en F1 en partenariat avec General Motors et sa marque Cadillac peut-il fragiliser l’avenir de l’équipe Haas?

Comme la F1 ne souhaite pas accueillir une 11e équipe, ce qui diminuerait la part de chacune des 10 équipes existantes venant du partage des revenus, le clan Andretti pourrait-il racheter Haas?

Chose certaine, Kevin Magnussen a reçu une mission de son employeur, et pour garder son emploi, il la mènera à bien.

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